dimanche 24 février 2008

À propos du drapeau rouge et noir

Avez-vous manqué de noir pour vos drapeaux?
(entendu à la manif de jeudi)


On nous demande régulièrement, surtout dans les manifs, pourquoi nous portons le drapeau rouge et noir et ce que ça signifie. Ne reculant devant rien pour éduquer les masses (!), Voix de faits vous propose son explication (qui en vaut bien une autre).

Tout le monde (ou presque) sait que le drapeau noir est le symbole par excellence des anarchistes. On le voit encore souvent dans les manifs, alors pourquoi préférer le rouge et noir qui est plus compliqué à fabriquer? Pour nous distinguer, tout simplement. De nos jours, la référence anarchiste recouvre tout et n'importe quoi et il y a une chance sur deux que nous ayons autant d'affinités politiques avec une personne porteuse d'un drapeau noir qu'avec une autre portant le fleur de lysé (!).

Pour nous, la symbolique du rouge et du noir est intéressante. Le rouge c'est la couleur traditionnelle du mouvement ouvrier (même la FTQ l'utilise), tandis que le noir c'est celle de l'anarchisme. Rouge et noir, ça fait anarcho-communiste. Ceci dit, on n'a rien inventé: la plupart des anarcho-syndicalistes et des communistes libertaires du monde entier utilisent aussi ce drapeau.

Aux origines du drapeau rouge et noir

Le rouge pour naître à Barcelone
Le noir pour mourir à Paris
(Léo Ferré, Thank you Satan)


Selon nos camarades d'Alternative libertaire, l'origine du drapeau rouge et noir est contestée. Il serait apparu à différent moments, dans différent lieux. Ainsi, vers 1880, les anti-autoritaires italiens de l'Internationale utilisait un drapeau rouge bordé de noir. D'autres disent qu'on peut le voir en Ukraine chez les makhnovistes. N'empêche, c'est la CNT espagnole qui l'a popularisé au tournant des années 1930.

Selon le témoignage de Garcia Oliver, c'est le premier mai 1931 que le drapeau rouge et noir fait sa première apparition officielle à Barcelone. Il s'agit d'un nouvel emblème pour une nouvelle génération de militantEs anarcho-syndicalistes qui rejettent à la fois le syndicalisme pur et l'anarchisme philosophique. Concrètement, les jeunes révolutionnaires avait appelé à un meeting à 200 mètres du meeting officiel des syndicalistes traditionnels. Pour attirer l'attention, ils avaient fait confectionner cinq grands drapeaux rouges et noirs montés sur un camion avec une banderole annonçant «Premier Mai, Fête internationale de gymnastique révolutionnaire». Et de la gymnastique, il en eu effectivement avec échange de coups de feu et entrée de force dans le siège de la Generalitat (le gouvernement catalan) pour porter les «conclusions du meeting» à son président, Francesc Macià. Par la suite, le rojinegros devient le symbole incontesté de l'anarchosyndicalisme espagnol. Les images de la révolution de 1936 se chargeront de la diffusion internationale de cet emblème anarchiste.

Au Québec...


Au Québec, sauf exception, le drapeau noir garde la faveur des militantEs même si on voit apparaître de temps en temps un drapeau rouge et noir. Une seule exception: le premier mai 1988. Ce jour là un cortège rouge et noir de 250 militantEs se forme à Montréal et quitte la manifestation syndicale avec fracas (geste expliqué le lendemain dans Le Devoir). Il s'agit de la première (et dernière) action publique d'un nouveau groupe politique: Socialisme & Liberté. Malheureusement, après avoir lancé le journal Rebelles (qui durera bien 12 ans), le groupe se dissout, paradoxalement victime de sa propre popularité (une cinquantaine de personnes ont répondu présent à un appel lancé par une demi-douzaine de militantEs, la bouchée fut trop grosse à avaler et ce fut fatal). Depuis le début des années 2000, ce sont surtout les militantEs de la NEFAC qui remettent le rouge et noir au goût du jour.

Pour en savoir plus: Notes sur l’histoire du drapeau rouge et noir (Alternative libertaire)

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